Réparation de la perte de chance de se soustraire à un acte médical nécessaire

Aux termes d’une nouvelle décision rendue le 20 novembre 2020, le Conseil d’Etat a précisé le droit à réparation de la perte de chance du patient de se soustraire aux risques d’un acte médical, au sujet desquels il a été insuffisamment informé.

En l’espèce, une femme a chuté sur son lieu de travail, provoquant une désinsertion du tendon du muscle jumeau externe de son genou gauche. Afin de refixer ce tendon, la patiente a dû subir une intervention chirurgicale qui a finalement été suivie d’une paralysie du pied.

La patiente a donc dû subir une seconde intervention, qui a mis en évidence une compression accidentelle du nerf fibulaire causée par la première intervention. Pourtant, la patiente n’avait pas été préalablement informée de ce risque.

La demanderesse a alors sollicité la réparation intégrale du préjudice subi sur le fondement d’un manquement à l’obligation d’information, ayant causé une perte de chance d’éviter les conséquences préjudiciables de l’acte médical.

En 2013, le tribunal administratif a condamné l’établissement de santé au sein duquel l’accident s’est produit. Mais en 2015, la Cour d’appel a annulé ce jugement et rejeté la demande.

La victime s’est alors pourvue en cassation, sollicitant une nouvelle fois la condamnation de l’établissement de santé.

Tout d’abord, le Conseil d’Etat relève que la patiente n’avait pas été informée de tous les risques que comportait cette intervention. Il cite l’article L. 1111-2 du Code de la santé publique et considère que « doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l’accomplissement d’un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence ».

Ensuite, conformément à sa jurisprudence, le Conseil d’Etat rappelle que « la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l’établissement de santé à son égard, pour sa perte de chance de soustraire à ce risque en renonçant à l’opération ».

Pour finir, le Conseil d’Etat précise finalement que « il n’en va autrement que s’il résulte de l’instruction qu’informé de la nature et de l’importance de ce risque, [le patient] aurait consenti à l’acte en question ».

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La décision du Conseil d'Etat

Ainsi, deux constats peuvent être tirés de cette décision.

  • D’une part, le Conseil d’Etat réaffirme sa jurisprudence en ce qu’il impose aux praticiens d’informer préalablement les patients, non seulement des risques graves normalement prévisibles, mais aussi des risques graves exceptionnels.

Cette position contredit pourtant la lettre de l’article L. 1111-2 du Code de la santé publique issu de la loi dite Kouchner, qui ne vise que les « risques fréquents ou graves normalement prévisibles ». Ainsi, l’interprétation de l’article L. 1111-2 du Code de la santé publique par le Conseil d’Etat facilite l’engagement de la responsabilité du praticien ou de l’établissement de santé, puisque le champ de l’information préalable obligatoire devant être délivrée au patient est élargi.

  • Et, d’autre part, le Conseil d’Etat réaffirme le droit à indemnisation du patient lorsqu’il se fonde sur la perte de chance de refuser l’acte médical. Par cette formule qui n’exclut la perte de chance « que s’il résulte de l’instruction qu’informé de la nature et de l’importance de ce risque, [le patient] aurait consenti à l’acte en question », le Conseil d’Etat semble émettre quasi-présomption de la responsabilité de l’établissement de santé qui manquerait à son obligation d’information préalable.

Ainsi, seule la certitude que le patient consenti à l’acte, même en ayant connaissance de tous les risques, permet d’écarter la réparation fondée sur la perte de chance. A contrario, le moindre doute persistant sur le consentement du patient à l’acte médical assure une réparation.

En l’espèce, la certitude du consentement a été qualifiée puisque l’instruction relevait que la demanderesse souffrait d’importantes douleurs et de difficultés à se déplacer, et qu’il n’existait pas d’autre alternative thérapeutique.

En conséquence, le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi et la patiente n’a pas obtenu réparation.

Finalement, même si la décision du Conseil d’Etat est favorable aux patients, la réalisation d’un risque très exceptionnel lors d’un acte médical indispensable pour le patient ne peut vraisemblablement pas permettre une quelconque réparation, et ce même si le patient aurait dû en être informé.

Néanmoins, puisque le préjudice d’impréparation est désormais présumé en cas de manquement à l’obligation d’information, le patient pourra plus facilement obtenir réparation à ce titre dès lors que les risques graves, même très exceptionnels, auraient dû lui être communiqués.

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