Produit défectueux – La consolidation comme point de départ du délai de prescription

Cass. 1re civ., 5 juill. 2023, nº 22-18.914,

En matière du fait des produits défectueux, la directive du 85/374/CEE instaure un double délai pour les produits mis en circulation après sa date d’entrée en vigueur le 20 mai 1998 :

  • Un délai de forclusion décennale qui court à compter du jour de la mise en circulation du produit (article 1245-15 du code civil)
  • Un délai de prescription triennal qui court à compter du jour où la victime a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage (article 1245-16 du code civil)

En droit commun en matière de dommage corporels, l’article 2226 du code civil instaure, au-delà d’une prescription plus longue, un point de départ flottant : la consolidation du dommage causé à la victime.

La question se pose alors de savoir si la notion de « connaissance du dommage » (prévue à l’article 1245-16 dud code civil) pourrait-elle être confondue avec à la date de consolidation du dommage en matière corporelle (article 2226 du code civil) ?

Les juges du fond ont tranché cette question dans un arrêt de la Cour de cassation du 5 juillet 2023 (n°22-18.914).

Les faits

En l’espèce, à la suite d’un vaccin injecté le 20 mars 2003, une femme a été victime de nombreuses pathologies telles que des tendinites, infections urinaires, cervicalgie, lombalgie, perte de cheveux.

Le 15 octobre 2013 une biopsie musculaire constate une lésion témoignant de d’hydroxyde d’aluminium après l’injection intramusculaire d’un vaccin qui utilise ce composé.

L’état de la victime n’a cessé de se dégrader.

La procédure

En juin 2015 elle a saisi la commission de conciliation et d’indemnisation de Basse Normandie. La CIVI déboute la demanderesse sur le fondement de l’absence de lien de causalité entre le vaccin et la lésion.

La victime a assigné la société Sanofi, responsable de la mise en circulation du vaccin les 17 et 23 juin 2020.

Les juges du fonds ont retenu que la victime avait une connaissance précise de l’étendue de son dommage le 15 octobre 2013 au plus tard. Les demandes sont irrecevables pour prescription de l’action en responsabilité fondée sur la défectuosité du produit.

La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel et énonce :

« que les juges du fond auraient dû rechercher si le dommage de Mme [M] était consolidé et à défaut si sa pathologie présentait un caractère évolutif faisant obstacle à la consolidation. »

En conséquent, les juges instaurent un point de départ flottant pour la prescription triennale des produit défectueux en matière de dommages corporels.

En revanche reste en suspend la question du délai de forclusion décennal (en principe insusceptible de suspension ou d’interruption). Dans ce cadre, si une consolidation ou d’une aggravation intervient après le délai des 10 ans après la mise en circulation du produit défectueux, le point de départ flottant pourrait-il venir concurrencer le terme échu du délai de forclusion ?

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