La réforme initiée par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 a introduit l'obligation pour les expropriés de se faire représenter par un avocat lors des procédures d’expropriation, que ce soit en première instance ou en appel. Cette exigence vient désormais compléter les conditions de l'expropriation pour cause d'utilité publique, renforçant ainsi la protection des droits des expropriés. Cette évolution a suscité diverses conséquences pratiques et juridiques, notamment en cas de défaut d'information des expropriés sur cette exigence.
Par un arrêt en date du 7 mai 2024 (CA Poitiers, n°23/00001), la Cour d'appel de Poitiers a clarifié les conséquences du non-respect de l'obligation d'information à l'égard des expropriés.
Le cadre juridique de la représentation obligatoire dans les procédures expropriation
Avant l'entrée en vigueur du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, la représentation par avocat en matière d'expropriation pour cause d’utilité publique n'était pas systématiquement requise, ce qui laissait davantage de latitude aux parties, notamment aux expropriés.
Ce décret a opéré une réforme majeure en intégrant expressément l'expropriation à la liste des matières pour lesquelles la représentation par avocat est désormais obligatoire, aussi bien en première instance qu'en appel. Cette évolution vise à renforcer les droits des parties et à garantir une défense adéquate lors des procédures complexes et recours contre l'expropriation.
Les articles du Code de l'expropriation sont venus préciser les modalités d'application de cette obligation.
- L'article R311-5 impose que les offres d’indemnité d’expropriation pour cause d'utilité publique faites aux expropriés reproduisent, en caractères apparents, les dispositions de l'article R311-9, qui rappelle l'obligation pour les parties de constituer avocat.
- En complément, l'article R2 11-6 du Code de l'expropriation renvoie expressément aux dispositions générales du Code de procédure civile.
Parmi celles-ci, l'article 56 exige que l'assignation comporte, à peine de nullité, les mentions essentielles, notamment l'indication des modalités de comparution et l'obligation pour les parties de se faire représenter par un avocat en droit civil.
Les conséquences juridiques du défaut d'information des expropriés
Un vice de forme pouvant annuler une expropriation
L'article 114 du Code de procédure civile pose le principe selon lequel un acte ne peut être annulé pour vice de forme que si une nullité est expressément prévue par la loi ou si une formalité substantielle ou d'ordre public est violée.
Le grief causé à l'exproprié par l'absence d'information sur les modalités de comparution justifie l’annulation d’une expropriation.
Les conséquences découlant de l'arrêt de la Cour d'appel de Poitiers du 7 mai 2024
L'arrêt rendu par la Cour d'appel de Poitiers constitue une illustration majeure des exigences accrues en matière de respect des droits des parties dans le contentieux de l'expropriation. La juridiction a pris appui sur plusieurs dispositions du Code de procédure civile, notamment les articles 56 et 665-1, pour établir l'obligation d'une information claire et précise concernant la comparution des parties.
La Cour a relevé que l'expropriant n'avait pas respecté ces dispositions en omettant d'informer les expropriés des conséquences de leur absence à l'audience. Cette carence d'information constitue, selon les juges, une atteinte directe au droit fondamental d'accès au juge, garanti par l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Le grief subi par les expropriés était manifeste : privés d'une information essentielle sur les modalités de leur comparution et les conséquences de leur absence, ils n'ont pu présenter leurs moyens de défense face à l'offre d'indemnisation. La Cour a estimé que cette situation portait atteinte à l'égalité des armes entre les parties.
Conséquence directe :
- annulation de l'acte introductif d'instance et du jugement du juge de l'expropriation
- obligation pour l’expropriant de reprendre l'intégralité de la procédure.
Cette décision marque ainsi une avancée importante dans la protection des droits des expropriés, rappelant aux expropriants l'impérieuse nécessité de respecter scrupuleusement les règles de procédure et les droits fondamentaux des parties.
L'arrêt du 7 mai 2024 de la Cour d'appel de Poitiers illustre avec pertinence les enjeux du respect des obligations d'information dans le contentieux de l'expropriation.
Le défaut d'information sur la représentation obligatoire par un avocat en expropriation porte une atteinte significative aux droits des expropriés et peut permettre d'annuler une expropriation. Cet arrêt rappelle ainsi l'importance du formalisme et de l'information claire pour garantir une justice équitable.
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