La Cour de Cassation et les accidents complexes: une actualité fluctuante

 

La deuxième Chambre civile de la Cour de cassation a récemment rendu un arrêt sur les accidents de la circulation en précisant les modalités d’application de la notion d’implication (Cass 2° Chambre civile, 8 mars 2012 Sté Wimmer et Sohne GmbH et a c/ P)

Après le début d’un orage de grêle, le véhicule de Madame F., ayant pour unique passager son fils âgé de deux ans, est entré en collision avec l’arrière d’un ensemble routier qui le précédait.

En effet, l’ensemble routier a brusquement ralenti du fait que son conducteur, Monsieur H., ait aperçu un autre véhicule immobilisé sur le toit sur le terre plein central d’une route à deux fois deux voies. L’enfant de Madame F., a été blessé suite à l’accident.

Les parents de l’enfant ont assigné en indemnisation du préjudice subi par leur enfant leur propre assureur. Leur assureur a alors assigné en intervention forcée le conducteur de l’ensemble routier, ainsi que son employeur. Ces derniers ont appelé en garanti le conducteur du véhicule immobilisé sur le toit sur le terre plein central.

La cour d’appel a mis hors de cause le conducteur du véhicule immobilisé sur le toit au motif que son véhicule ne gênait absolument pas la circulation sur la double voie. De ce fait, elle en déduit que le conducteur ne se trouve pas impliqué dans l’accident, c’est à dire dans la collision entre l’ensemble routier et le véhicule de Madame F.

La cour d’appel a également débouté l’employeur de ses demandes en garanti à l’égard du conducteur du véhicule sur le toit car elle considère que ce véhicule ne gênait en rien la circulation sur la double voie. De ce fait, aucune faute ne peut lui être reproché.

 Dans quelles mesures un véhicule est-il impliqué dans un accident de la circulation au sens de la loi de juillet 1985 ? Dans quelles mesures la contribution à la dette de répartition d’un dommage subi par la victime d’un accident de la circulation se constitue t-elle ?

 La cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel au motif que le véhicule de Monsieur A, du seul fait de sa position insolite sur le terre plein central, était impliqué dans l’accident.

 En effet, la cour d’appel relevait que Mr H, conducteur de l’ensemble routier, avait « freiné brusquement et provoqué un fort ralentissement de son ensemble routier dans le but de porter secours à M. A », conducteur du véhicule immobilisé sur le toit. 

 De plus, elle considère que la contribution à la dette de réparation du dommage subi par la victime d’un accident de la circulation, entre un conducteur impliqué dans l’accident et un autre coobligé fautif, à lieu en proportion de la gravité des fautes respectives.                        

 I - Appréciation de la notion d’implication dans un accident complexe

L’appréciation de la notion d’implication est évoquée au cœur de cet arrêt.  La loi de juillet 1985 s’applique aux victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre.

La condition clé est donc l’implication, article 1 de ladite loi.

 Dans le cas d’un accident complexe, selon le texte, c’est à dire la loi de juillet 1985, il y a implication lorsque « le véhicule est intervenu, à quelques titres que ce soit, dans la survenance de l’accident ».

La deuxième Chambre de la Cour de cassation considère que la position « insolite » d’un véhicule renversé sur le toit et immobilisé sur le talus du terre-plein central d’une double voie de circulation suffit à qualifier son implication dès lors que cette position a amené un ensemble routier à freiner brusquement dans le but de porter secours au conducteur. Ainsi la deuxième Chambre estime qu’un véhicule est impliqué dans un accident de la circulation si, sans sa présence, l’accident n’aurait pas eu lieu.

 En l’espèce, le positionnement du véhicule immobilisé sur le terre-plein central a attiré l’attention des autres conducteurs et a donc joué un rôle essentiel dans le processus accidentel, l’implication est dès lors caractérisée.

Force est de constater donc que n’est même pas pris en compte le fait qu’il ne gênait en rien la circulation des deux véhicules entrés en collision.

 Le concept était quasiment inconnu avant la loi de 1985, les juges n’avaient jamais eu à statuer sur cette notion nouvelle.

Actuellement deux cas peuvent se présenter:

- Soit le véhicule a eu un contact direct avec la victime et dans cette hypothèse il est nécessairement impliqué dans l’accident.

- Soit il n’y a pas eu de contact direct entre le véhicule et la victime et le tribunal qualifiera l'implication que s’il a joué un rôle quelconque dans la réalisation de l’accident.

Par conséquent, si un véhicule, à l’arrêt ou en mouvement, gène la circulation des autres il aura pu jouer un rôle dans un accident de la circulation au sens de la loi de 1985.

 II - Qui paie dans un accident complexe ?

 La Cour rappelle le principe selon lequel « la contribution a la dette de réparation du dommage subi par la victime d’un accident de la circulation, entre un conducteur impliqué dans l’accident et un autre coobligé fautif, a lieu en proportion de la gravité des fautes respectives », Cass. 2e civ., 25 janvier 2007.

 La deuxième Chambre civile montre son hésitation entre le critère de la pesée respective des fautes et le critère de la participation causale pour finalement pencher sur le premier critère. La mesure de la part contributive des co-responsables s’évalue « exclusivement en fonction de la gravité des fautes commises ».

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