Les experts judiciaires aussi responsables?

Responsabilité d’un expert

La Seconde chambre civile de la Cour de cassation le 13 Septembre 2012 a retenu  la responsabilité d’un expert géomètre judiciairement désigné sur le fondement de l’article 1382 du Code civil qui établit un rapport inexploitable et faux dans son contenu.

En l’espèce, le Tribunal d’instance saisi d’une action en bornage par Mr X, va désigner Mr Y en qualité de géomètre expert.Après dépôt du rapport de ce dernier, le Tribunal a ordonné le bornage de la propriété de Mr X, et d’un fonds contigu.

Contestant le plan de bornage de l’expert, Mr X a interjeté appel.

En effet, l’appelant estimait que le rapport litigieux d’expertise comportait des erreurs techniques, des imprécisions, et que les conditions de l’expertise pouvaient également être remises en cause.

Les juges du fond après désignation d’un nouveau géomètre expert, ont ordonné l’implantation des bornes sur le terrain litigieux, conformément au second rapport déposé.

Mr X a en conséquence assigné le premier expert géomètre, Mr Y, en responsabilité et indemnisation, au visa de l’article 1382 du Code civil, faisant valoir un préjudice notamment quant aux frais exposés par l’instance d’appel.

Le Tribunal d’Instance saisie de ce recours a débouté Mr X de ses demandes, estimant que l’expert n’était pas tenu de fournir un compte-rendu détaillé de l’intégralité des opérations techniques auxquelles il avait procédé.

La juridiction de première instance s’est bornée à apprécier la valeur du rapport d’expertise sur un plan purement technique, relevant l’absence d’éléments probants de la part du demandeur, forçant le Tribunal d’Instance a entériné les conclusions du rapport de l’expert géomètre en les faisant siennes.

Un appel fut interjeté par Mr X critiquant les frais occasionnés (du fait de la nouvelle expertise et de la procédure d’appel).

Les juges d’appel ont relevé que le rapport déposé par l’expert était critiquable et inexploitable, car il ne permettait pas le bornage des propriétés en cause (approximations et erreurs étant relevées…).

Pour autant, la Cour a rejeté la demande en indemnisation, estimant que le préjudice susvisé ne résultait pas directement du préjudice allégué (ledit rapport d’expertise), mais de la décision du Tribunal rendue en sa défaveur.

A la suite de cet arrêt, Mr X s’est pourvu en cassation.

La seconde chambre civile de la Haute Cour a cassé l’arrêt susvisé, pour violation de l’article 1382 du Code civil car « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ».

En tout état de cause, la Cour de cassation a jugé qu’en statuant ainsi, tout en relevant que le rapport déposé par Mr Y était « critiquable et inexploitable en ce qu'il ne permettait pas le bornage des propriétés en cause », la Cour d’appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé le texte susvisé (Article 1382 du Code civil).

 La saisine des juges du fond, ainsi que la nouvelle mesure d’expertise ordonnée par cette juridiction étaient en relation de causalité directe et certaine avec les fautes retenues contre l’expert judiciaire dans la réalisation de la première expertise.

En conséquence, et comme l’avait précédemment jugé la seconde chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt de 1986, à défaut de disposition contraire, la responsabilité de l’expert, à raison de fautes commises dans l’accomplissement de sa mission, est engagée conformément aux règles de droit commun de la responsabilité civile, même si le juge a suivi l’avis de l’expert dans l’ignorance de l’erreur dont son rapport, qui a influé la décision, était entaché (Cour de cassation, Civ. 2ème, 8 Octobre 1986, Bull. civ. II, n°146 ; Gaz. Pal. 1987. 2. Somm. 337, obs. Guinchard et Moussa).

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