Accident de la circulation et fauteuil roulant électrique : une solution en faveur des victimes vulnérables

Par un récent arrêt rendu le 6 mai 2021, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a exclu le fauteuil roulant d’une personne en situation de handicap de la catégorie des VTAM (Véhicule Terrestre A Moteur).

En l’espèce, une femme en situation de handicap et ne pouvant se déplacer à l’extérieur sans fauteuil roulant électrique, a été percutée par une voiture. Cependant, l’assureur de la conductrice du véhicule refusait toute indemnisation au profit de la femme en situation de handicap, au motif qu’elle avait elle-même commis une faute. En sa qualité de victime, elle a alors assigné l’assureur en justice afin d’obtenir réparation de ses préjudices.

Un premier arrêt a été rendu et, un appel, interjeté.

Par un arrêt du 30 janvier 2020, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a débouté la demanderesse de sa demande de réparation intégrale. En effet, les juges ont considéré que le fauteuil roulant électrique était un VTAM ; ainsi, la victime avait la qualité de conductrice et, en conséquence, sa faute lui était opposable.

La victime s’est donc pourvue en cassation.

Par un arrêt du 6 mai 2021, la Cour de cassation a fait droit aux demandes de la victime.

Les conditions d’application de la loi du 5 juillet 1985

La loi du 5 juillet 1985 a instauré un régime de responsabilité sans faute en matière d’accident de la circulation, afin de favoriser l’indemnisation des victimes.

Ainsi, dès lors qu’une victime a subi un accident de la circulation, dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur, elle peut agir en réparation de son préjudice contre le conducteur ou le gardien du véhicule impliqué.

Cependant, les droits à réparation de cette victime peuvent être réduits si elle elle-même a commis une faute.

La loi dispose que si la victime revêt la qualité de conducteur, sa faute peut lui être opposée.

Et si la victime n’a pas la qualité de conducteur, il faut distinguer selon la nature de la réparation qu’elle sollicite. Si la victime non conductrice sollicite réparation d’une atteinte à ses biens, alors sa faute, même simple, peut lui être opposée. En revanche, si la victime non conductrice sollicite réparation d’un dommage corporel, seule une faute intentionnelle ou inexcusable et cause exclusive de l’accident peut lui être opposée.

Ainsi, le montant de la réparation de la femme se déplaçant en fauteuil roulant, en l’espèce, dépendait directement de sa qualité de conductrice ; et sa qualité de conductrice dépendait directement de la qualification retenue pour le fauteuil roulant.

La question posée à la Cour de cassation était donc de savoir si un fauteuil roulant électrique conduit par une personne en situation de handicap pouvait être qualifié de VTAM au sens de la loi du 5 juillet 1985.

La définition de VTAM inapplicable au fauteuil roulant

La loi du 5 juillet 1985, aussi dite Loi Badinter, instaurant le régime de responsabilité sans faute en matière d’accident de la circulation ne définit pas ce qu’est un VTAM.

Cependant, le législateur semble s’être reposé sur la définition du VTM posée par l’alinéa 1er de l’article 211-1 du Code des assurances :

« Tout véhicule terrestre à moteur, c’est-à-dire tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique sans être lié à une voie ferrée, ainsi que toute remorque, même non attelée. »

Par ailleurs, le Code de la route dispose, dans son article L. 110-1 :

« Le terme de « véhicule à moteur » désigne tout véhicule terrestre pourvu d’un moteur à propulsion, y compris les trolleybus, et circulant sur route par ses moyens propres, à l’exception des véhicules qui se déplacent sur rails. »

Le Code de la route précise aussi, dans son article R. 412-34 :

« Sont assimilés aux piétons : (…) 3° Les infirmes qui se déplacent dans une chaise roulante mue par eux-mêmes ou circulant à l’allure du pas. »

Ainsi, à la lecture de ces dispositions légales, le fauteuil roulant électrique semble pouvoir être qualifié de VTAM.

En conséquence, la victime de l’espèce, une femme en situation de handicap utilisant ce véhicule, serait bien conductrice au sens de la loi du 5 juillet 1985 et ses droits à indemnisation pourraient être réduits compte tenu de sa faute, même simple.

Cependant, cette application stricte des textes n’a pas été retenue par la Cour de cassation.

Les juges ont, en effet, considéré que le fauteuil roulant électrique permettant à une femme en situation de handicap de se déplacer ne peut être qualifié de VTAM.

En conséquence, la victime de l’espèce ne peut être qualifiée de conductrice, et seule la preuve d’une faute intentionnelle ou excusable et cause exclusive du dommage peut réduire ses droits à indemnisation.

En l’absence d’une telle faute, la victime a donc le droit à la réparation intégrale de son préjudice corporel.

Cette lecture est heureuse et favorable aux victimes. Finalement, les juges de la Cour de cassation ont préféré suivre la finalité du régime de responsabilité instauré par la loi du 5 juillet 1985, qui est la protection des victimes, plutôt que d’appliquer strictement les dispositions légales du Code civil et du Code de la route.

Mais cette solution est probablement justifiée par la situation de l’espèce, à savoir la nécessité médicale pour cette femme d’utiliser un fauteuil roulant électrique lors de ses déplacements à l’extérieur. Il n’est pas certain qu’en présence de circonstances différentes, une telle solution soit rendue.

Il est donc nécessaire de faire appel à un avocat compétent pour connaître et comprendre vos droits.

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