Quand les forces de la nature se déchaînent : Les catastrophes naturelles à l'épreuve de la législation

La France a été frappée ces dernières années par de récurrentes sécheresses aux effets désastreux.

A une époque où les changements climatiques sont devenus une réalité indéniable, il est essentiel de prendre conscience des conséquences dévastatrices que ces événements peuvent avoir sur notre environnement, notre économie et notre société.

Le dispositif instauré par la loi du 13 juillet 1982 modifiée, dite des « catastrophes naturelles », a organisé la procédure d’indemnisation des dommages résultant de ces calamités, en offrant aux sinistrés une véritable garantie de protection contre les dommages matériels directs résultant de l’intensité anormale d’un agent naturel.

Ce dispositif fait appel à la fois aux sociétés d’assurance et aux pouvoirs publics et repose sur une procédure dérogatoire du droit commun de l’assurance.

Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises (article L.125-1 du Code des assurances).

Il est important de souligner que le coût des catastrophes naturelles en France a atteint 10 milliards d’euros en 2022, un niveau inédit depuis 1999.

Et ceci est loin d’être terminé car, par arrêté ministériel du 3 avril 2023, 62 communes des Bouches-du-Rhône dont Marseille, sont reconnues en état de catastrophe naturelle pour mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols.

L’arrêté a été publié au journal officiel le mercredi 3 mai 2023.

À partir de cette date, les habitants des communes concernées disposaient d’un délai de 30 jours pour déclarer le sinistre à leurs compagnies d’assurances.

Les assureurs s’attendent à une avalanche de déclarations de sinistres et les pouvoirs publics ont anticipé cette nouvelle vague par le biais d’un décret n°2022-1737 du 30 décembre 2022 relatif à l’indemnisation des catastrophes naturelles ainsi qu’un arrêté du 30 décembre 2022 qui viennent mettre en œuvre les objectifs poursuivis par la loi n°2021-1837 du 28 décembre 2021 relative au régime de l’indemnisation des catastrophes naturelles.

Conditions de mise en œuvre de l’extension du champ d’application de la garantie CAT NAT

La loi du 28 décembre 2021 a étendu le champ d’application de la garantie Cat Nat (prévu à l’article L125-1 du code des assurances), aux frais de relogement d’urgence du souscripteur dès lors que sa résidence principale a été rendue impropre à l’habitation pour des raisons de sécurité, de salubrité ou d’hygiène ainsi qu’aux frais d’architecte et de maîtrise d’ouvrage.

L’article D 125-4 énonce les critères répondant à la définition « d’occupant », de « résidence principale » et de « frais de relogement » qui doivent être remplis pour bénéficier de la garantie Cat Nat.

Le décret précise que l’absence de constatation des conditions de mise en œuvre par l’assureur en raison de l’inaccessibilité de l’habitation, ne fait pas obstacle à la mise en jeu de la garantie.

Concernant les délais, le décret fixe une durée maximale de 6 mois à compter du premier jour de relogement, sous réserve de la transmission à l’assureur par l’assuré des justificatifs des frais engagés mais une exception peut être prévue au contrat.

Le décret fixe les modalités de prise en charge des frais de relogement.

L’assureur doit indemniser l’assuré à concurrence de la valeur fixée dans le contrat d’assurance d’habitation.

Le montant de l’indemnisation est déterminé selon des critères qui diffèrent en fonction de la qualité de l’assuré partie au contrat (propriétaire, locataire et occupant à titre gratuit, locataire dont le bail a pris fin suite au sinistre).

Le décret précise que l’indemnisation des frais de relogement par l’assureur et l’aide financière accordée par l’État ne sont pas cumulatives (article D 125-4-4).

L’encadrement des franchises par le décret de 2022

Le décret 30 décembre 2022 vient préciser l’objectif de prohibition de la pratique de la modulation des franchises par les assureurs dans les communes dépourvues de plan de prévention des risques.

Le décret énonce le principe selon lequel toutes les garanties prévues à l’article L125-1 du code des assurances doivent faire l’objet d’une franchise (interdiction légale de couvrir la part de risque laissée à la charge de l’assuré à travers la franchise).

Le décret définit le coefficient des franchises prévu pour chaque contrat et leurs montants. Il distingue les biens à usage non professionnel pour lesquels le montant des franchises est fixe ; des biens à usage professionnel pour lesquels il impose simplement des montants de franchise minimum.

Pour le bien à usage non professionnel, le montant de la franchise est de 380 euros pour les dommages imputables à l’intensité anormale d’un agent naturel. Elle sera de 1520 euros si les dommages sont imputables à un mouvement de terrain consécutif à un phénomène de sécheresse et à la réhydratation des sols.

Pour les biens à usage professionnel, le montant de la franchise est égal à 10 % du montant des dommages matériels directs non assurables dans la limite de 1140 euros minimum. Pour les dommages imputables à un mouvement de terrain consécutif à un phénomène de sécheresse et à la réhydratation des sols le montant minimum sera de 3050 euros.

Dans le cas d’une perte d’exploitation qui correspond à une interruption ou une réduction de l’activité de l’entreprise pendant 3 jours ouvrés, l’assuré devra prendre en charge une franchise de 1140 euros minimum.

Néanmoins, le décret conserve le principe de modulation des franchises pour les biens assurés par les collectivités non dotées d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles concernant un risque qui fait l’objet d’un arrêté constatant l’état de catastrophe naturelle. La modulation de la franchise se fera selon le nombre de constatations de l’état de catastrophes naturelles intervenues pour ce même risque dans les 5 ans qui précèdent la nouvelle constatation.

L’énoncé des exigences formelles et procédurales pour les décisions de reconnaissance et de non-reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle

Ces décisions doivent répondre aux conditions de l’article L211-5 du code des relations entre le public et l’administration (exigence de l’écrit et énoncé des considérations de droit et de fait qui fondent la motivation, article D 125-1) 

Pour une reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, les modalités de communication des documents administratifs, qui fondent la décision, doivent être indiquées dans l’arrêté interministériel.

L’arrêté interministériel doit également mentionner les voies et les délais de recours (régis par le code des relations entre le public et l’administration ou par les dispositions du code de justice administrative pour la saisine d’une juridiction administrative compétente).

Le décret prévoit le fonctionnement de la commission nationale consultative des catastrophes naturelles et la commission interministérielle de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.

La commission nationale consultative des catastrophes naturelles rend un avis annuel qui concerne 3 domaines :

  • La pertinence des critères de la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle,
  • Les conditions effectives de l’indemnisation des sinistrés
  • Les modalités et conditions des expertises

La commission interministérielle de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle émet des avis sur chaque demande communale de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, tant sur le caractère et la nature du phénomène de la catastrophe naturelle que sur le processus d’indemnisation.

Enfin, dans un but d’accélération et de simplification de traitement des demandes, le décret incite au recours à des réunions en visioconférence. La délibération du président de la commission peut se faire selon une procédure téléphonique ou audiovisuelle.

Ce décret du 30 décembre 2022 est entré en vigueur au 1er janvier 2023, à l’exception des dispositions relatives aux frais de relogement d’urgence et aux franchises qui rentreront en vigueur au 1er janvier 2024.

En conclusion, les modalités légales prises pour légiférer sur l'impact des catastrophes naturelles ont permis de progresser dans la gestion de ces événements dévastateurs.

Cependant, une attention continue doit être accordée à l'amélioration et à l'adaptation de la législation pour faire face aux défis futurs. Il est crucial de poursuivre les efforts pour renforcer la prévention, la gestion des risques, la protection des droits des personnes touchées et la promotion de la résilience face aux catastrophes naturelles. Seule une approche holistique et coordonnée, combinant la législation, les politiques et la sensibilisation, pourra garantir la sécurité et le bien-être des communautés face à ces défis croissants.

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