L’exceptionnelle protection pour piétons, cyclistes et skateurs : Un éclairage sur la faute inexcusable

Cadre légal de la protection des victimes et application pratique

La Loi Badinter et ses tempéraments

Pour rappel : En vertu de la loi du 5 juillet 1985, Loi dite « Badinter », les conducteurs d’un véhicule terrestre à moteur (VTM) impliqués dans un accident doivent indemniser les victimes, sans pouvoir, en principe, leur opposer de faute.

Ce principe possède deux tempéraments prévus à l’article 3 de la Loi Badinter. Peuvent venir exclure ou limiter le droit à indemnisation de la victime d’un accident de la circulation :

  • La faute inexcusable et cause exclusive du dommage : commise par la victime non conductrice âgée entre 16 et 70 ans et non titulaire d’un titre d’invalidité ou d’incapacité permanente égale ou supérieure à 80%.
  • La faute volontaire de la victime : recherche volontaire du dommage qu’elle a subi.

Accident Mortel d'un Skateboarder par un véhicule terrestre à moteur

Cass. Civ 1ème 21 décembre 2023, n°22-18.480

Dans l’arrêt commenté, il s’agit d’un jeune homme âgé de 18 ans circulant en planche à roulette, qui s’est élancé du haut d’une voie de circulation. Le jeune homme a été percuté par une voiture et a perdu la vie. 

Les ayants-droits de la victime ont assigné en indemnisation la conductrice du véhicule et le Fonds de garanties des assurances obligations de dommages (le FGAO), sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985.

La Cour d’Appel a débouté les ayants droit en l’ensemble de leur demande.

Pour exclure leur droit à indemnisation, les juges retiennent la faute inexcusable, faute exclusive de l’accident, commise par le skateur.

Les juges font valoir « qu’en s’élançant, à très vite allure, dans une rue à forte déclivité, dans une ville très touristique, au mois d’aout, à une heure de forte circulation, en étant démuni de tout système de freinage ou dépourvu d’équipement de protection ». Et indiquent que la victime « s’était élancée sans égards pour la signalisation lumineuse présente à l’intersection située au bas de la rue ni pour le flux automobile perpendiculaire à son axe de progression ».

Il convient de préciser que l’exclusion du droit à indemnisation en raison d’une faute inexcusable est opposable par ricochet aux ayant droit de la victime (jurisprudence constante sur ce point, Ass. Plé., 19 juin 1981, n°78-91.827).

Conséquences juridiques et protection des usagers

Critères de la Faute Inexcusable

La faute inexcusable est définie comme la faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience (Ass. Plé. 10 nov. 1995n n°94-13.912).

Trois conditions sont exigées pour qu’une faute inexcusable puisse priver la victime ou ses ayants droits d’indemnisation :

  1. La faute doit avoir été « volontaire »
  2. D’une exceptionnelle gravité
  3. Cause exclusive de l'accident de circulation

Du terme de « volontaire » résulte l’établissement du caractère intentionnel de la faute. Il implique que la victime a de manière délibérée et réfléchie adopté le comportement qui lui est reproché, mais sans en avoir voulu les conséquences dommageables.

C’est d’ailleurs ce qui permet de la distinguer de la faute inexcusable, par laquelle la victime a recherché volontairement le dommage qu’elle a subi.

C’est justement sur cette notion d’intentionnalité que les ayants droit de la victime ont formé un pourvoi en cassation, en dénonçant que la Cour d’appel avait retenu le caractère inexcusable de la faute sans en établir l’élément intentionnel.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au motif que les éléments relevés par la Cour d’appel « ne caractérisaient pas l’existence d’une faute inexcusable ». La cassation est opérée pour violation de la loi, ce qui implique que le comportement incriminé ne peut pas constituer une faute inexcusable.

Conformément à l’objectif purement indemnitaire de la loi du 5 juillet 1985, la Cour apprécie de manière très restrictive cette cause d’exonération.

La cassation était donc prévisible et la solution retenue s’inscrit par conséquent dans la continuité de la jurisprudence qui ne retient que très rarement la qualification de faute inexcusable.

La conclusion est évidente : piétons, cyclistes et skateboards restent protégés.

Évolution Réglementaire et Impact sur la Protection

En revanche, depuis l’entrée en vigueur du décret en date du 31 aout 2023, les trottinettes électriques, gyropodes, skateboards électriques, sont soumis à une règlementation bien moins protectrice à leurs égards.

En fonction de votre statut d’usager de la route, la réglementation et la protection accordée peuvent varier de manière significative. Notre cabinet spécialisé en matière d’accident de la route et en dommages corporels, pourra vous conseiller et vous aiguiller au mieux dans votre démarche.

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