Changement de destination irrégulier et réalisation de travaux soumis à permis de construire

Dans un arrêt remarqué du 16 mars 2015, le Conseil d'Etat s'est prononcé sur la problématique touchant à la réalisation de travaux soumis à autorisation sur un bâtiment ayant fait l'objet d'un changement de situation irrégulier et revient sur la jurisprudence FERNANDEZ de 2007 qui avait admis que la circonstance qu’un bâtiment ait fait l’objet dans le passé d’un changement de destination non autorisé était sans incidence sur la légalité de la demande d’autorisation d’urbanisme présentée ultérieurement afin de réaliser des travaux sur ce bâtiment et ayant ce seul objet.

Les faits sont les suivants :

En 1997, dans le cadre d'une procédure d'adjudication judiciaire, un couple fait l'acquisition d'un chalet situé en Haute-Savoie, en bordure du domaine skiable de Saint-Gervais-les-Bains. Le cahier des charges de la vente par adjudication mentionnait la désignation suivante "un chalet d'habitation dénommé "Le Charmant" d'une surface habitable totale de 95 m²".

Ce bâtiment avait fait l'objet d'un permis de construire en 1988 déposé dans le but d'édifier un restaurant d'altitude, sans logement. Mais l'exploitant du restaurant, les cinq années suivantes, avait procédé à l'aménagement du premier étage de l'immeuble pour en faire un logement, sans obtenir d'autorisation d'urbanisme. Puis, en 1993 et 1997 le restaurant/chalet a été désaffecté.

En 2008, le couple acquéreur du bien souhaite créer deux pièces afin d'augmenter la surface habitable du chalet, et dépose auprès de la Mairie une demande de permis de construire, lequel est refusé.

Après un recours gracieux, le couple conteste le refus devant le Tribunal Administratif, qui rejette leur demande.

Ce jugement est confirmé par la Cour Administrative d'Appel. Les requérants se pourvoient en Cassation.

Le Conseil d'Etat rejette le pourvoi, considérant  notamment que le propriétaire qui envisage de réaliser de nouveaux travaux doit présenter une demande portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont modifié la destination initiale du bâtiment, quand bien même les nouveaux travaux ne prendraient pas appui sur la partie de l'édifice réalisé sans autorisation d'urbanisme.

Dans la mesure où le permis de construire déposé par les époux ne portait pas sur la régularisation des travaux antérieurs, mais uniquement sur les travaux projetés, le Maire était tenu de le refuser.

Le Plan Local d'Urbanisme peut fixer des règles relatives à la destination des constructions, et définir selon la situation locale, la destination et la nature des constructions autorisées.

Le changement de destination doit alors faire l'objet d'une autorisation, et la demande de permis de construire ou déclaration préalable permet à l'administration, lors de l'instruction du dossier, d'exercer un contrôle sur la réalité de la destination de la construction, comme ce fut le cas en l'espèce.  

Cet arrêt revient sur la jurisprudence FERNANDEZ, qui avait admis que le changement de destination non autorisé était sans incidence sur la légalité de l'autorisation d'urbanisme sollicitée ultérieurement dans le but de réaliser des travaux sur ce bâtiment.

Cependant, la portée de cet arrêt doit être nuancée puisque depuis l'ordonnance du 8 décembre 2005, le changement de destination est soumis à permis de construire uniquement lorsqu'il s'accompagne de travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade des bâtiments, ce qui aurait du être le cas dans ce dossier.

Dans les autres hypothèses, une simple déclaration préalable suffit.

Cet arrêt permet d'analyser la portée actuelle de l'article L112-1* du code de l'urbanisme, et notamment l'exception visant les constructions réalisées sans permis de construire.

Il se pourrait que les changements de destination, non soumis à permis de construire, bénéficient largement du régime de la prescription administrative de dix ans instaurée par ce texte.

Le temps pourra donc permettre aux différents pétitionnaires concernés d'obtenir les changements espérés pour réaliser leurs projets.

* L'article L111-12 du code de l'urbanisme dispose : "Lorsqu'une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux ne peut être fondé sur l'irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l'urbanisme.

Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables :

a) Lorsque la construction est de nature, par sa situation, à exposer ses usagers ou des tiers à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ;

b) Lorsqu'une action en démolition a été engagée dans les conditions prévues par l'article L. 480-13 ;

c) Lorsque la construction est située dans un site classé en application des articles L. 341-2 et suivants du code de l'environnement ou un parc naturel créé en application des articles L. 331-1 et suivants du même code ;

d) Lorsque la construction est sur le domaine public ;

e) Lorsque la construction a été réalisée sans permis de construire ;

f) Dans les zones visées au 1° du II de l'article L. 562-1 du code de l'environnement."


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